jeudi 15 mars 2012

Valeur et rentabilité d’un étudiant universitaire : pour ou contre la hausse des frais de scolarité?

La prochaine hausse des frais de scolarité universitaires aura certainement fait couler de l’encre : d’un côté des étudiants indignés, de l’autre, un gouvernement dépourvu qui souhaite augmenter la rentabilité de ses établissements. Il s’agit d’un sujet bien chaud et fort controversé. Tous et chacun semblent en faveur d’une augmentation de la qualité de l’enseignement, toutefois, cette fois-ci, le gouvernement souhaite transférer cette charge aux étudiants. Des arguments d’un côté et de l’autre sont recevables. Puisque nous nous intéressons à la valeur de la clientèle, analysons donc cette question sous son angle comptable. Quelle est le coût de formation d’un étudiant universitaire et sa rentabilité sur sa durée de vie active sur le marché du travail? 

Une étude générée par Ebrahimi et Vaillancourt (2010) fournit des données intéressantes sur le sujet. Notons toutefois qu’un esprit critique quand à l’interprétation des données se doit d’être appliqué considérant que l’étude a été financé par le ministère du développement économique, innovation et exportation du Québec.

Cette étude mesure le taux de rendement d’un cycle scolaire par rapport à un autre. Par exemple, elle calcule la valeur actualisée du salaire additionnel moyen d’un contribuable qui a effectué des études de premier cycle universitaire au public, par rapport à un étudiant qui a arrêté ses études au niveau du collégial. L’étude prend donc en considération le revenu additionnel gagné d’un niveau d’éducation par rapport au niveau inférieur, tout en diminuant ce montant des coûts additionnels de la formation supplémentaire. Le baccalauréat offre à ses étudiants un rendement considérable (net d’impôt) de 11.8% pour les hommes et de 12.1% pour les femmes alors que la maitrise génère un rendement de l’ordre de 2.4% et 2.9% respectivement. Le doctorat, lui produit un rendement additionnel de 2.6% pour les hommes et 1.2% pour les femmes. Autrement dit, l’éducation post collégiale semble être un investissement fort rentable.

Notons toutefois que le rendement de la formation des organisations publiques est plus difficile à calculer, puisque le coût d’un étudiant implique des fonds publics, en plus des frais directs payés par celui-ci. On doit donc estimer un coût social pour la formation universitaire qui représente la part assumée par le gouvernement pour la formation d’un étudiant (un coût implicite – voir tableau ici-bas). De plus, des programmes différents génèrent des coûts distincts et donc, par le fait même, des rendements différents. À titre d’exemple, les sciences de la santé génèrent un rendement moyen de 7.75% alors que les sciences sociales (incluant la comptabilité, notre domaine d’expertise) affiche un pauvre rendement de 1.5%.



Le tableau suivant, lui, présente un résumé des études qui on récemment été effectuées sur le sujet. Tous semblent s’entendre sur la rentabilité des études post collégiales.

Considérant ce qui précède, il semblerait que les étudiants soient en mesure de supporter la hausse prochaine des frais de scolarité au Québec du fait que le rendement des études universitaires demeurerait fortement positif. Notons toutefois que certains facteurs tels que le coût d’endettement et la capacité des étudiants à payer les frais au moment où ils ont été engagés n’ont été considérés dans ce calcul. En incluant le coût d’endettement, les études universitaires seraient-elles toujours aussi rentables? En effet, sur le plan comptable, l’investissement dans notre éducation est très profitable, toutefois, ce débat repose bien plus sur une guerre idéologique que sur la rentabilité comptable. Il n’en demeure pas moins que cette étude nous a convaincue. Une hausse des frais de scolarité de l’ordre de 300$ représente un montant minime par rapport aux rendements que les études universitaires permettent de générer. De plus, lorsqu’on constate les coûts sociaux de 55 449$ pour un baccalauréat, le gouvernement semble faire sa juste part.

Version complète et électronique de l’étude de Ebrahimi & Vaillancourt (201) disponible à : http://www.cirano.qc.ca/cv.php?lang=en&coderelation=1760

4 commentaires:

  1. Votre article est très intéressant. Le débat de la hausse de frais de scolarité est sans contredis un sujet d'actualité. Le sujet a d'ailleurs déjà fait couler beaucoup d'encre et a amené plusieurs débats publics. Dans votre article on voit bien que l'investissement que le gouvernement fait en éducation post-secondaire est rentable pour la société en général. Cependant, je me questionne sur la pertinence de cette hausse dans la situation actuelle des choses. Selon une étude qui a été réalisé de 1990 à 2009, on démontre que la part des emplois exigeant des études universitaires a augmenté de 110 %, alors que celle des emplois ne nécessitant pas de diplôme d’études secondaires a diminué de près de 45 %(1). Selon une autre étude, en 2015, les professions hautement qualifiées vont représenter près de 70 % de l’ensemble des nouveaux emplois(2). Dans ce contexte, l’université devient un enjeu majeur pour la société. Fait important, les nouveaux diplômés payeront 900 000$ en taxes et impôts de plus que les diplômés d’études secondaires durant leur vie active (3). La question qui se pose est donc à savoir si la perte de revenue futur que le gouvernement perdra dû à la hausse est plus importante que le coût actuel de l'éducation des étudiants ? Avec les chiffres concernant les revenues supplémentaire engendré par les étudiants post-secondaire et les coûts sociaux avancé dans votre articles, tout me porte à croire qu'il en coûtera plus chère à l’état d'augmenter les frais de scolarité.
    Outres les avantages économiques de l’éducation, il y a de nombreux avantages non-financiers dont il faut tenir compte. Il a été prouvé que l’éducation diminue le risque de chômage, particulièrement le chômage prolongé (4). De plus, plusieurs études prouvent que des contribuables mieux éduqués, ont plus de chance d’être en meilleur santé (5). En plus de rapporter plus de recette à l’état dans le futur, les contribuables plus scolarisée diminue la pression sociale sur les services offerts par l’état comme la santé et les prestations sociales.

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  2. Il est certain que la plupart des étudiants post-secondaire seront en mesure de supporter la hausse. Cependant, certains ne seront pas en mesure de supporter cette hausse de frais de 75%. Considérant le revenu disponible assez faible chez les étudiants, en moyenne 13 300$, une hausse de 1625$ représente une augmentation très importante pour eux. Hors les étudiants qui ne seront pas en mesure de continuer leur étude ou qui déciderons de ne pas continuer leur étude vue la hausse des frais, représentent une perte de revenue importante pour l’état dans le futur. Le fait d’augmenter les frais de scolarité diminue l’accessibilité aux études universitaires. Dans les pays où il y a eu une hausse des frais de scolarité, le taux de fréquentation scolaire a diminué (6). Si on regarde les études sur le Québec, les résultats sont étonnant. Selon une étude, 1 jeune sur 4 qui désirait poursuivre ses études à la sortie du secondaire, mais qui ne l’avait pas fait, invoquait des raisons financières pour expliquer ce choix (7). La question financière arrive toujours au premier plan de la préoccupation des étudiants. Certain personne évoque souvent que les étudiants n’ont qu’à travailler plus pour payer leur étude. Présentement, la plupart des étudiants travaille déjà beaucoup 81% de étudiants ont déjà travaillé pendant leur étude (8). Les étudiants ne bénéficiant pas de d’aide financière supplémentaire compte tenue des hausse devront travailler plus. Ils devront travailler environs 162 heures de plus si on prend l’hypothèse que les étudiants gagne en moyenne 10 $ de l’heure. Plusieurs ne seront tout simplement pas en mesure de faire face à cette augmentation. Je crois donc que l’augmentation aura un impact majeur sur les étudiants et futur étudiants.

    C’est ainsi que je demande si la société Québécoise veut vivre dans une société d’élitisme ou dans une société où tout le monde peut aspirer à accéder à des études de post-secondaire? Personnellement, le croit que tout le monde devrait avoir la chance d’avoir accès à une éducation poste secondaire. C’est pour le bien de notre société. Le problème actuel de la politique Québécoise est qu’on essaie de faire plaisir aux électeurs les plus nombreux (baby-boomers) au détriment de la collectivité de la société Québécoise. Le problème de cet électorat spécifique et qu’ils pensent généralement qu’à eux aux détriments de la société en général car ils ont toujours été plus nombreux et ont toujours décidé de la politique Québécoise. À partir de tous les énoncés précédemment, il est clairement plus avantageux économiquement et socialement parlant pour le Québec d’annuler la hausse des frais de scolarité. Bref, ce débat relève d'un choix de société important qui doit être analysé sur des perspectives long-terme et non court-terme.

    (1)MELS, 2010. Indicateurs de l’Éducation
    (2)RHDCC, 2006. Perspectives du marché canadien du travail pour la prochaine décennie, 2006-2015
    (3) Demers, M. (2008). Taux de rendement du baccalauréat : pour les diplômés et pour l’État
    (4) Institut de la statistique du Québec, 2011
    (5) MSSS, 2007. La santé, autrement dit... Pour espérer vivre plus longtemps et en meilleure santé
    (6) Coelli, 2004. Tuition increases inequality in postsecondary education.
    (7) FCBEM, 2009. Rapport annuel
    (8) FCBEM, 2009. Rapport annuel.

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  3. Voici un vidéo qui peut nous éclairer sur les coût réel de la hausse des frais de scolarité sur la société Québécoise: http://www.youtube.com/watch?v=aOLB3CWV-sA&feature=share

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  4. Je me demandais si vous aviez aussi trouvé des évaluations comptables sur la rentabilité pour le gouvernement d'investir dans l'éducation?

    Si l'étudiant (futur travailleur) a effectivement un revenu plus élevé, il paie nécessairement plus d'impôts et plus de taxes de vente sur les dépenses supplémentaires qu'il effectuera nécessairement. Et quand vous dites que le gouvernement semble faire sa juste part, l'argent du gouvernement provient des payeurs de taxes... et les plus gros payeurs de taxes sont en bonne partie des ex-étudiants des universités (les gens gagnant 50 000 et plus représentent 18% de la population et paient 67% des impôts).

    À cela, on peut ajouter beaucoup d'autres facteurs indirects qui occasionnent des coûts à la société. Par exemple, je lisais un article dernièrement (http://www5.statcan.gc.ca/bsolc/olc-cel/olc-cel?catno=11F0019MIF2007295&lang=fra) où on mentionnait que les jeunes de parents à revenus plus élevés ont un taux de réussite supérieur à l'école. Les enfants de parents ayant une scolarité plus élevée ont moins tendance à poser des actes criminels durant l'adolescence. On peut donc poser comme hypothèse que les enfants de parent ayant une éducation supérieure nécessitent moins de ressources à l'école (orthopédagogues, surveillance, psychologues...). De plus, il est largement reconnu qu'un niveau d'éducation moins élevé et un taux de pauvreté plus élevé est directement lié à un taux de criminalité plus élevé. En plus, je ne retrouve pas l'étude exacte, mais il est prouvé qu'une personne plus scolarisée coûte moins cher en frais de santé dans sa vie. Donc indirectement, l'investissement dans l'éducation réduit de nombreux autres coûts sociaux en plus d'augmenter la qualité de vie de la société en général.

    Alors oui, j'ai aucun doute qu'au niveau personnel, les frais de scolarité sont rentables. Mais au niveau de la société, j'aurais aimé voir le rendement des investissements dans une plus grande accessibilité à l'éducation supérieure, le rendement d'avoir une population plus scolarisée. Une genre de VAN = - Investissements de départ + Revenus de taxes et impôts supplémentaires actualisés sur la période de travail active + Économies de frais sociaux + Valeur [intangible] de l'amélioration de la qualité de vie... j'ai l'impression que la VAN est largement positive...

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