jeudi 15 mars 2012

Le coût social du divertissement


En date du 14 mars 2012, le gros lot du 6/49 était de 12 millions de dollars. En supposant que vous ayez la combinaison gagnante (6/6), votre 2$ se multiplie par 6x106. Ceci vous donne un  rendement de 599 999 900%!!!! Mieux que ça, vous avez une chance sur 32 de gagner au moins 5$, ce qui donne un rendement de 150%, pas si mal quand on sait que le rendement moyen d’une obligation du gouvernement du Canada pour 1 à 3 ans est d’environ 1,2%...

Mise
Lot
Probabilité de gain
Espérance de gain
2 $
12 000 000  $
1/13 983 816
(1,14) $
2 $
5 $
1/32,3
(1,85) $

Nous constatons donc que le grand gagnant est… Loto-Québec! Chacun de ses clients achetant un billet de 6/49 ne peut que, en moyenne, lui rapporter un certain profit. Étendons l’analyse à l’ensemble des activités de Loto-Québec à l’aide du rapport annuel de gestion 2011. (1)


Voici une simple analyse pour 2011 :

Ce que l’on constate : chaque dollar dépensé par un client laisse 0,63$ dans les coffres de Loto-Québec…

Ceci ne représente bien sûr que la partie exploitation. En fait, la société d’État a rapporté un bénéfice net de 1,338 milliards de dollars en 2011, ce qui représente la très enviable marge nette de 36,4%.

Donc, le coût d’un client dans un monopole? Pratiquement nul… En observant de plus près l’état des résultats consolidés de 2010-2011, la seule charge qui pourrait représenter des coûts de publicité et de marketing est « Charges d’opération » et elle se chiffre à 715,8 millions de dollars. Sur des revenus de 3 674 millions, ceci représente environ 20% des revenus.

Par contre, en vertu de la Loi sur la Société des loteries du Québec, les dividendes sont fixés par le ministre des Finances du Québec, qui en détermine les modalités de paiement. Les dividendes déclarés sont déduits des bénéfices non répartis et correspondent au bénéfice net consolidé ajusté. Le bénéfice net est donc entièrement versé au gouvernement et distribué à travers divers ministères et organismes.

Ceci veut-il dire que ce coût de la clientèle de 20% des revenus est hypothétique? Les profits retournant entièrement à l’État pour le bienfait de tous les contribuables justifient-ils l’existence de Loto-Québec? À première vue, oui. Les finances publiques étant dans un état peu reluisant, cette injection est des plus utiles.

L’autre côté de la médaille…

Le jeu peut devenir compulsif. Les joueurs compulsifs ont un coût social qui ne doit pas être négligé. Peu d’études ont mesurées efficacement les coûts sociaux reliés à ce problème. Aucune mesure ou consensus sur la nature et l’ampleur des coûts sociaux n’est disponible. Par contre, tous s’entendent que le fait qu’il y a bel et bien un coût considérable. Le tableau ci-dessous résume bien les maux associés au jeu compulsif.



En prenant ce chiffre de 219$ par adulte et en considérant une population québécoise de 7 979 663 âmes avec 6 455 258 personnes de 18 ans et plus (2) :
$
population concerné
$/personne
revenus Loto-Québec
       1 337 941 000  $
    7 979 663   
            167,67  $
coûts sociaux estimés
      (1 413 701 502) $
    6 455 258   
          (219,00) $
net
           (75 760 502) $
                  (51) $

À la lumière de tout ceci, est-ce que toute clientèle est une bonne clientèle? Est-il  possible de mesurer adéquatement le coût réel d’un client et ce à une échelle plus macro-économique? Peut-on vraiment modéliser l’effet global du comportement d’un client? Le jeu est-il nécessairement néfaste?

 Je crois personnellement que le jeu a le potentiel de rester un divertissement pour la grande majorité de la population. Donc, le fait d’être un client de loto-Québec devient une forme de contribution à l’État et de ce fait, une contribution au bien-être de tous et chacun. Par contre, il peut paraître contre-productif pour une société de « prendre dans une poche pour le remettre dans l’autre », une forme de taxe déguisé sous le couvert de l’adhésion de certaines personnes au concept des jeux de hasard.




2 commentaires:

  1. Bonjour Benoît ,j'ai lu attentivement ton article que j'ai apprécié mais il y a certains élèments de ton analyse sur lesquels je me pose des questions. En effet, ton raisonnement est le suivant:
    Loto-Québec génère de la richesse avec chaques joueurs (qui sont un peu comme des clients dans ton raisonnement). Cette richesse est ensuite redistribué à "tous les contribuables" sous la forme de dividendes(selon tes termes), c'est ainsi que tu loues cette injection d'argent dans la société.
    Mon premier point de d'interrogation est le suivant: Pourquoi reverser cet argent à TOUS LES CONTRIBUABLES ? il n'y a que les joueurs qui cotisent, pourquoi leur argent est redistribué à toute la population?
    Par la suite, tu montres bien que loto-québec devient contre-productif lorsque le jeu devient compulsif. Penses-tu que loto-québec pourrait éviter cette situation? A t-elle une marge de manoeuvre dans un monde où la passion surpasse la raison?

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    1. Content que vous ayez apprécié cet article.

      Je répondrai à votre première question par une autre question. En prenant pour acquis le fait que 40% des contribuables québécois ne paient pas d'impôt provincial(1), cela veut-il dire que ces mêmes contribuables ne devraient pas avoir le droit d'utiliser les routes, d'aller à l'hôpital ou de fréquenter le système scolaire québécois, puisque ceux-ci sont financés par le gouvernement dont la majorité des revenus est issue de l'impôt?

      Votre deuxième question souligne bien la zone grise dans laquelle s'inscrit la mission de loto-Québec. La société d'état a mis en place plusieurs programmes afin de prévenir le jeu compulsif. Est-ce vraiment efficace? Selon eux, oui, en citant, entre autre, la diminution depuis 2001 des suicides dont le jeu pathologique est un facteur. (2) Est-ce la réellement une mesure de réussite représentative? À vous d'en juger...

      D'un côté un peu plus comptable, les coûts directs du traitement des joueurs pathologiques et les effets néfastes sur leur entourage ne sont pas assumés par Loto-Québec mais bien par le réseau de santé. Donc l'effet net dans ses résultats ne s'y retrouve jamais.

      Tout ceci pour dire que l'apparent conflit entre les revenus considérables issus des loteries et la création d'une dépendance néfaste et coûteuse pour la société québécoise ne date pas d'hier.

      Loto-Québec a-t-elle une marge de manœuvre? Je crois que oui. Pour appuyer cette opinion je vous demanderai ceci: doit-on abolir l'alcool et donc la SAQ parce qu'elle est la source directe de l'alcoolisme au Québec?...

      Je vous laisserai avec cette citation de Vauvenargues de son livre Réflexions et maximes publié en 1746:

      "Les passions ont appris aux hommes la raison."

      La découverte de la possibilité d'une dépendance aux jeux de hasard n'offre-t-elle pas aux humains de se connaitre un peu mieux et de ressortir plus fort de cette découverte?


      (1)http://argent.canoe.ca/lca/affaires/quebec/archives/2011/04/20110419-172751.html

      (2)http://lotoquebec.com/corporatif/nav/jeu-responsable/quelques-chiffres

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